Contre la Watertech israélienne dans nos régions ! 

Ce mercredi 3 décembre 2025, la Région Sud, sous la présidence de R. Muselier, a accueilli une délégation d’une dizaine d’entreprises de l’écosystème watertech israélien au château du Tholonet, siège de la Société du Canal de Provence. Le but est de favoriser les liens économiques entre les écosystèmes technologiques sionistes et ceux de la Région Sud, autour de la gestion de l’eau. Cette rencontre s’est tenue dans le cadre d’un partenariat annoncé en mai 2023 avec Mekorot, le gestionnaire des eaux pour l’État sioniste. L’agence régionale d’attractivité économique Rising SUD prolonge cette normalisation abjecte dans une ambition assumée de rendre notre économie et celle du projet de nettoyage ethnique toujours plus interdépendantes, nous rendant matériellement toujours plus complices des violences génocidaires auxquelles les Palestinien.nes résistent. Car parler de « gestion » de l’eau est un euphémisme dans ce contexte colonial. Les invités de M. Muselier font de l’eau une arme de guerre, qui permet contrôle, mort et contre-insurrection.

C’est pourquoi nous jugeons pertinent de prolonger l’action relayée sur le site de Mars Info Autonome, faisant état de 4 voitures de fonction, brûlées la nuit du 2 au 3 décembre sur le parking du château accueillant la délégation. Les guerres coloniales combinent toujours à la force militaire d’autres techniques visant l’assujetissements des colonisé.e.s ;  il est central de bien en comprendre les mécanismes. 

https://mars-infos.org/mort-au-sionisme-brulent-ses-8304

1. Contrôler l’accès à l’eau, c’est contrôler les possibilités d’autodétermination d’un peuple

Au complexe militaro-industriel et techno-sécuritaire sioniste, s’ajoute une ingénierie de la destruction des possibilités d’organisation palestinienne sur les territoires à travers la mainmise sur les flux d’eau qui traversent la Palestine, de la mer au Jourdain. Cette dimension est sans doute moins manifeste, mais elle occupe une place absolument centrale. L’entité sioniste y travaille depuis longtemps. La création d’une société nationale de gestion des eaux en activité date d’avant même la création coloniale de l’État sioniste : Mekorot est fondée en 1937. Dès les années 1920, l’Organisation Sioniste Mondiale développe une stratégie de contrôle des ressources hydrauliques du territoire, et ce largement au-delà des frontières actuelles, incluant le Golan syrien, château d’eau de la région, et le Sud Liban, où coule le fleuve Litani. Aujourd’hui, cette domination patiemment construite sur les flux d’eau, administrée par Mekorot, accompagnée de ce fameux écosystème de start-up de la « watertech » leur sert d’arme pour matérialiser l’apartheid, la colonisation et le génocide du peuple palestinien. 

La Nakba continue : après avoir été dépossédés de leurs ressources en eau et de leur mode de gestions, les habitant.es de Cisjordanie sont transformés en marchés captifs du distributeur israélien. Tout un système de lois, mises en application par la force militaire, autorise l’autorité israélienne à détruire toute infrastructure nouvelle ou toute réparation sur les réseaux d’eaux et d’assainissement qui n’auraient pas reçu l’approbation des autorités israéliennes. En pratique, tout projet qui assure une forme d’autosuffisance aux Palestinien.ne.s est refusé. Les forages profonds des entreprises coloniales font baisser le niveau des nappes et rendent les puits historiques caducs. Les colonies illégales de Cisjordanie fleurissent et bénéficient de réseaux d’adduction à tarifs réduits pour favoriser les implantations, et les colons se pavanent dans l’idée que le génie sioniste aurait fait « fleurir le désert ». Pendant ce temps la consommation moyenne des palestiniens de Cisjordanie tombe à 82 litres par personnes par jours, sous les niveaux minimaux préconisés par l’OMS (100 litres/personnes/jours), et ce bien avant le 7 octobre. 

2. Accaparement technocratique et destruction des savoirs hydrologiques locaux

Partout où il y a de l’eau en Palestine, il y a dévoiement meurtrier de cette ressource. Les eaux du Jourdain ont été détournées lors de la guerre des Six Jours via le Water National Carrier – géré par Mekorot – après avoir bombardé les infrastructures jordaniennes. Le Fleuve qui alimentait un gigantesque bassin versant s’assèche désormais. Le cycle de l’eau se fait alors presque entièrement technologique, et remonte de la mer vers les terres. L’eau est d’abord extraite de la Méditerranée par des centrales de désalinisations biberonnées aux énergies fossiles (dont les gisements au large de Gaza sont un des motifs du génocide), qui rejettent des concentrats de saumures faisant pénétrer le sel dans les eaux souterraines littorales. A l’intérieur des terres, des usines de réutilisations des eaux usées dernier cri permettent à l’agrobusiness de s’installer dans les zones sèches où les paysannes avaient coutumes de cultiver selon un mode agricole dit « ba’aliya », désignant les semences irriguées par la pluie. Désormais, partout dans les zones contrôlées, des vallées entières de palmiers-dattiers alimentées par smart-goutte-à-gouttes, (système qui calcule les montées de sèves et le taux d’humidité dans le sol, afin de ne donner à l’arbre que l’eau nécessaire à son bon développement) où l’on se félicite que seuls ces arbres à marchandises soient abreuvés, tout en s’assurant que pas une goutte de cette eau ne recharge une nappe ou n’irrigue des sols qui partout s’assèchent. Les sionistes n’ont pas fait du désert un jardin, mais ont fait rentrer l’eau dans des tuyaux qui coulent à l’envers à grand coup de techno-solutionnisme court-termiste ultra-énergivore dopé par les financements européens et états-uniens. 

Cette stratégie aboutit à une destruction des savoirs paysans et des organisations sociales adaptées à ce territoire, à l’élaboration des conditions structurelles de la sécheresse, et la mise en place d’une dépendance croissante à un système high-tech de gestion et de production de l’eau. 

3.  L’eau est devenue l’une des armes des génocidaires

 A Gaza, la domination de la population par la mainmise sur l’eau prend la forme d’une véritable arme dans la guerre génocidaire : la destruction systématique des infrastructures d’assainissement et d’adduction en eau, s’accompagne d’une chute de 78% des approvisionnements par Mekorot dans la bande de Gaza. Les usines de dessalement et les usines de potabilisation étant des cibles facilement identifiables, elles ont toutes été démolies ou fortement endommagées, alors que le blocus empêche toutes les pièces nécessaires à leur réparation d’entrer. Quand elles n’ont pas été détruites, le blocus énergétique rend les usines de dessalement (rendues nécessaires par la pollution et la destruction des nappes) inopérantes. Les stations d’épuration se déversent dans les sols et la mer et les polluent durablement.  La quantité d’eau potable disponible à Gaza (et il faut imaginer les conditions de cette disponibilité) est tombée à en moyenne de 4,7 litres par jour par personne durant l’été caniculaire de 2025 : il est possible de parler de meurtres par déshydratation

4. La gestion de l’eau comme laboratoire contre-insurrectionnel, à Gaza et ailleurs

Le gouvernement israélien a su s’imposer comme un laboratoire de techniques contre- insurrectionnelles allant des technologies de surveillance, jusqu’aux systèmes d’assassinats de masses via l’intelligence artificielle. N’oublions pas que toute arme est apparemment bonne à prendre, et que la guerre que mènent les colons en Palestine a aussi permis une expertise dans le contrôle de l’eau.

Ce laboratoire de domestication des populations par le contrôle de cette ressource vitale qu’est l’eau comporte trois niveaux : 

(1) Au niveau local, la mise en dépendance induit la possibilité de couper l’eau potable, arme contre-insurrectionnelle redoutable qui a  été utilisée maintes fois, au moins depuis 1967.

(2) Au niveau régional, il s’agit également de devenir une « puissance régionale de l’eau ». Les autorités sionistes ont empêché militairement la construction de barrages jordaniens sur les affluents du Jourdain, elles ont occupé le Sud Liban pour y empêcher les projets d’irrigations que le gouvernement libanais voulait mettre en place, elles ont annexé le Golan syrien. Le projet politique des pères du sionisme se concrétise, empêchant tous les pays voisins de construire une autonomie sur l’eau. L’Etat génocidaire s’impose progressivement comme puissance hydro-hégémonique, l’utilisant comme levier de domination diplomatique.

(3) Enfin, partout dans le monde, ce modèle de gestion et de production de l’eau s’inscrit dans une trajectoire technique à l’opposé des perspectives telles que l’hydrologie régénérative ou la pensée de l’eau comme commun. Il s’ancre profondément dans une volonté de contrôle, d’extraction et de domination, des peuples, des eaux, de la terre. Et ce n’est pas une surprise de constater que c’est exactement ce modèle qui trouve écho dans les instances internationales des accapareurs de l’eau, de l’agrobusiness au compagnies de gestion comme Véolia ou Suez, qui intéresse les banques d’investissement des puissances impérialistes, avides d’avoir la main mise sur les technologies de pointe, les entrepreneurs capitalistes pressés de vendre des technologies couteuses, ou encore les présidents de région qui veulent faire partie de la pointe de la modernité technologique. C’est grâce à ce modèle extractiviste contre-insurrectionnel que Mekorot a réussi à s’imposer comme un des leaders de la « WaterTech » en mettant l’Intelligence artificielle dans les robinets, les tuyauteries des systèmes industriels et les rigoles d’irrigation. La solution coloniale, comme pour l’armement et la surveillance, leur permet de devenir ce laboratoire prisé par toutes les élites mondiales. C’est à ce titre que ces entreprises sont invitées au Tholonet, pour exporter ce « savoir-faire ».

5. Refuser la complicité, empêcher les alliances

L’extension du contrôle de l’eau permet ce que Stephanie Latte Abdallah nomme le « futuricide » des Palestinien.e.s. Par la « gestion » de l’eau, on tente de leur retirer une culture, un héritage, une autonomie. On tente d’annihiler leur capacité à choisir leur futur. Accueillir les acteurs de cette annihilation, c’est aller plus loin que fermer les yeux : c’est promouvoir le génocide comme modalité de gouvernement. Rechercher des liens économiques et technologiques avec des entreprises génocidaires, c’est désirer se lier à ce crime. Ce système est certainement bien profitable – on nous dit qu’il a « fait ses preuves » à la manière des armes « combat proven » que l’on teste sur les populations des sud afin de les vendre au plus offrant – mais il est taché de sang. Les institutions qui vantent le modèle israélien de gestion de l’eau choisissent leur camp. 

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